Covid. La culture sous cloche. Produit non essentiel. Les artistes sont laissés en plan et les enjeux nationaux saturent le débat. A l’échelle de Toulouse, voyons ce qu’il s’y joue.
L’équipe municipale privilégie la communication autour de grands événements culturels. Elle soutient une culture qui fait peu de vagues. Elle néglige beaucoup d’acteurs locaux qui expérimentent, qui résistent à la marchandisation ou qui créent pour rassembler tout simplement. Certaines compagnies lasses de voir leurs subventions baisser de 5 % en arrivent même à ne plus en faire la demande…
La politique culturelle est une affaire d’imaginaire. Les fêtes de Noël illustrent parfaitement le regard porté par une municipalité sur la culture populaire. Le second mandat de Jean-Luc Moudenc est venu restaurer l’image traditionnelle du père Noël. Couleurs rouge et blanc. « Cela fait si plaisir aux petits Toulousains » entend-on. Alors que la mandature de Pierre Cohen avait amené l’originalité, la poésie et la diversité aux portes du Capitole. Pour mieux comprendre la politique culturelle de la ville, nous avons listé certains types d’actions menées par la municipalité pour faire vivre la culture :
– FINANCER DES INFRASTRUCTURES ET DES PROJETS.
Ces projets permettent une communication efficace et visible de tous permettant aux élus de promouvoir leurs réalisations. C’est ainsi, par exemple, que Jean-Luc Moudenc, qui s’était opposé à l’installation des Halles de La Machine à Toulouse, a pu la revendiquer comme le grand achèvement de son mandat.
– LA RENDRE ACCESSIBLE EN PROPOSANT DES AIDES FINANCIÈRES.
De telles mesures, qui peuvent représenter une part conséquente du budget de la culture, semblent attractives. En pratique cependant, ces aides n’attirent malheureusement pas tous les publics. Ces incitations, qu’elles soient sous forme de remises à l’entrée (gratuité des musées par exemple) ou de chèques culture, sont destinées à tous, mais les statistiques montrent que la majeure partie des publics qui en profitent sont des personnes qui auraient consommé de la culture, même sans la mise en place de ces incitations. [1]
Le passeport pour l’art, lancé par Pierre Cohen en 2009, a pour vocation de sensibiliser les jeunes Toulousains à la culture (de la grande section au CM2) afin de développer un regard critique sur le monde. Le pass culture est une expérimentation du gouvernement Macron qui vise à doter les jeunes d’un budget culture. D’un montant de 300€, il se généralise dans toute la France pour tous les jeunes sans condition de ressources à compter de mai 2021.
– COMMUNIQUER SUR DE GRANDS ÉVÉNEMENTS.
La déambulation du Minotaure et de l’Araignée est un événement populaire qui a marqué les esprits des Toulousains. Un franc succès qui fait trace dans la mémoire collective, mais aujourd’hui, le Minotaure reste cantonné sur sa piste et les rues se vident de culture. Rappelons que le festival Toulouse en piste avait pourtant jusqu’en 2016 une parade dans les rues toulousaines. Tout en constituant un événement populaire apprécié, cette parade était également une vitrine représentative de la place que le cirque occupe dans le rayonnement culturel toulousain.
– DÉVELOPPER LE TOURISME.
Dans une logique marchande de la culture, le patrimoine et les grands événements culturels sont perçus comme des ressources pour le développement touristique – et donc économique. Commandé par Toulouse Métropole et parrainé par le Toulousain Jean Tirole, prix Nobel d’économie, le rapport « Toulouse Territoire d’Avenir » illustre cette perception réductrice de la culture vue sous le prisme du consumérisme.
A l’inverse une municipalité pourrait faire le choix d’UNE CULTURE GÉRÉE COMME UN “COMMUN”. Cette conception, particulièrement exposée lors de la crise sanitaire, passe par une relocalisation, une appropriation citoyenne de la culture mais aussi une reconnaissance du statut de l’artiste. Ce dont Mix’art Myrys témoigne mais que la municipalité veut détruire. « Les communs désignent des formes d’usage et de gestion collective d’une ressource ou d’une chose par une communauté » ; « l’idée [est] de s’organiser collectivement par en bas pour défendre un bien commun, ici la culture, et esquisser des perspectives de résistance », énonce Daniela Festa, juriste. [2]
La crise du Covid et la politique de la municipalité actuelle nous poussent à repenser une politique culturelle à l’échelle de notre ville et de sa Métropole. Voici quelques propositions pour aborder la culture autrement :
– Faire travailler les acteurs du très riche tissu culturel toulousain, en particulier en leur confiant une place de choix dans les grands événements locaux.
– Rendre transparents les critères d’attribution des subventions accordées aux différentes associations.
– Ancrer les pratiques culturelles localement en incluant tous les quartiers populaires trop souvent négligés.
– Associer les citoyens et les acteurs – tous les acteurs – et rompre avec le clientélisme.
– Porter une ambition nouvelle : celle d’une culture vivante et populaire.
À vous de continuer cette liste de propositions et de nous la renvoyer…
[1] DEPS, sous la direction de P. Chantepie, Culture et Médias 2030, prospectives de politiques culturelles, La Documentation française, 2011
[2] Daniela Festa (avec la contribution de Mélanie Dulong de Rosnay et Diego Miralles Buil), Les communs, Géoconfluences, juin 2018.
L’épisode de l’arrachage d’affiche
Ces derniers temps, le cas Mix’Art Myrys est emblématique du regard porté par la mairie sur la culture et l’on est en droit de se demander ce qui vaut à ce collectif un tel acharnement. La manœuvre est réglée, froide, organisée et implacable, et deux assauts sont menés sur le plan réglementaire et financier. Le bouillonnement culturel, l’appropriation par la population constituent-ils un tel danger au projet de gentrification du quartier ?
Le maire n’aime pas qu’on critique sa politique culturelle. Selon ses propres dires, il se charge lui-même, « pour se divertir », de supprimer cette affiche qui figurait sur le théâtre de la cité pendant son occupation dans le sillage du mouvement #OccupationOdeon et dans la perspective du démantèlement de Mix’art Myrys.
Extrait d’une vidéo amateur du 11 mars dernier montrant Jean-Luc Moudenc venu arracher l’affiche ci-contre accrochée sur une vitre du théâtre de la cité alors occupé par les intermittents. Pris sur le vif par un occupant du théâtre, il s’en est suivi une légère altercation sans violence. | © TV Bruits, 12 mars 2021
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