Au premier semestre 2021, la majorité municipale décide « d’embellir » la rue de metz après avoir décidé de sa piétonnisation partielle. En parallèle de la consultation menée par la mairie de Toulouse sur sa plateforme dédiée, l’Association Toulouse Actions Citoyennes représentée par ses sympathisantes et sympathisants a mené une consultation en ligne et sur les terrain auprès d’un public réunissant des usagers, des riverains et des commerçants. Cet article résume l’action et les observations principales.
Un aménagement dépourvu d’une vision d’ensemble de la ville
Entre 2011 et 2014, Joan Busquets présentait un aménagement urbain de Toulouse, visant à apaiser le centre historique. Il projetait de supprimer progressivement le transit automobile tout en privilégiant la qualité de vie des résident.e.s et des usager.e.s.
Dans son programme électoral, l’association Toulouse Actions Citoyennes proposait également des changements structurels, étudiés dans leur ensemble, pour favoriser les modes doux et pacifier la circulation en ville.
JL. Moudenc a bien repris les mots de Busquets et les nôtres, pour construire une belle opération de communication. Mais dans les faits, il ne conserve que le côté anecdotique des aménagements en faisant l’économie d’une pensée globale de la ville. Depuis le début de ce mandat, on nous annonce par exemple des embellissements (rue de Metz et Matabiau), un apaisement de la circulation (rue de Metz et Grande rue Saint Michel), de la nature en ville… Mais aucune trace d’un schéma directeur montrant des aménagements pensés de manière cohérente, au niveau de la ville, conjointement avec les déplacements.
Une concertation a minima
Ce nouveau mandat voudrait être celui de la concertation. Une plateforme “ je participe ! “ propose des consultations aux habitant.e.s. L’association Toulouse Actions Citoyennes pourrait s’en réjouir puisque l’implication des citoyen.ne.s est l’essence même de notre mouvement politique. Or la plateforme n’a recueilli que peu de réponses et nous avons accumulé les témoignages de participant.e.s découragé.e.s : certain.e.s ont le sentiment que tout est déjà réglé et que leur avis n’a pas été pris en considération.
Concernant les travaux de la rue de Metz, donnant justement lieu à une de ces prétendues concertations publiques, l’association Toulouse Actions Citoyennes a décidé de réagir pour dénoncer à la fois la méthode et le sujet. Nous tenons également à mettre en évidence le manque d’informations données aux Toulousain.e.s sur les travaux en eux-mêmes ainsi que sur les conséquences en termes de transports, de pollution et de partage de l’espace public.
Il nous faut admettre que, sur de nombreux points, cette concertation ne répond pas à l’exigence de renouvellement démocratique que nous appelons de nos voeux :
- une phase de concertation limitée à 3 semaines,
- un manque patent de pédagogie sur le contexte et les enjeux multiples du projet (trafic, pollutions sonores et atmosphériques, adaptation au réchauffement climatique, patrimoine architectural, commerce, …)
- une participation cantonnée à un formulaire en ligne sans consultation de terrain,
- une méthode et un calendrier flous,
- un projet déjà largement verrouillé en amont,
- deux questions seulement soumises aux habitants dont l’une (l’alignement des arbres) relève de la compétence des bâtiments de France, et l’autre (la végétalisation des pieds d’arbres) reste anecdotique par rapport à l’ampleur du projet.
Une consultation par Toulouse Actions Citoyennes
Nous avons donc élaboré notre propre questionnaire et l’avons proposé aux Toulousain.e.s, non seulement dans une version en ligne mais surtout en allant à leur rencontre directement dans la rue de Metz.
La Mairie, en faisant la promotion de sa concertation par voie de presse et par affichage, a obtenu peu de réponses (176). Dans le même temps, l’association Toulouse Actions Citoyennes, sans moyens de communication comparables, mais grâce au travail bénévole de ses militant.e.s, obtient plus de 350 réponses. Pour une rue si centrale, dans la 4ème ville de France, comment la municipalité peut-elle se satisfaire d’une si faible participation ? À titre d’exemple, la dernière concertation à Paris a obtenu plus de 4000 votes en ligne pour le passage du centre-ville en zone piétonne. Pourquoi les responsables ne mettent-ils pas en place les outils nécessaires à un recueil de grande ampleur des avis des habitant.e.s ?
L’ensemble des résultats sont accessibles ici.
La concertation de la Mairie porte sur deux questions : la position des arbres dans la rue et la présence de végétalisation à leur pied. Sur les 373 personnes sondées par Toulouse Actions Citoyennes, 94% considèrent que ce n’est pas suffisant et auraient souhaité être consultées sur un champ plus large comprenant par exemple :
- le partage des différents types d’usages (piétonn.e.s/cyclistes/automobilistes…) à 82%,
- la présence de végétation 73%
- les parkings à vélos à 67%,
- les espaces d’agréments (fontaines, bancs, sanisettes…) à 61%,
- le niveau de pollution à 58%,
- le niveau de bruit à 54%
- les itinéraires des bus à 48%.
De plus, présenter la plantation d’arbres dans le seul but d’embellir la rue est réducteur, surtout en pleine crise écologique ! Une rapide visite sur place permet facilement de constater que la rue de Metz, du fait de son orientation Est-Ouest, est très exposée au soleil et à la chaleur estivale, beaucoup plus que la rue Alsace Lorraine. Pourquoi ne pas penser la plantation des arbres en continu pour procurer de l’ombre, en faisant le choix d’essences résistantes à de fortes chaleurs ? Ne faut-il pas réfléchir, plus globalement, à l’installation de fontaines pour rafraîchir les espaces ?
Des commerçant.e.s oublié.e.s
A propos des commerces, JL. Moudenc a annoncé vouloir les développer dans la rue de Metz, désertée par les clients. Toulouse Actions Citoyennes était donc convaincue que les commerçants avaient été consultés en amont de la concertation. Or, nous avons interrogé 26 commerçants, représentant les trois quarts de ceux de la rue : seulement trois d’entre eux avaient connaissance de la concertation publique ! Sur les travaux à venir, ils ont bien été informés, mais par des canaux différents : la plupart ont reçu un tract ou une lettre annonçant les travaux, quelques autres privilégiés ont eu la visite d’élus à titre privé. La majorité des professionnels interrogés ignoraient qu’un atelier leur sera proposé après la concertation publique. Ils seront donc interrogés après coup, alors qu’ils sont les premiers concernés ! En termes de méthode, cela semble pour le moins désordonné. Comme la plupart n’ont pas vu d’interlocuteurs de la Mairie, ils expriment en majorité des craintes concernant :
- la logistique et le montant des aides compensatoires pendant les travaux,
- l’équilibre financier de leur commerce puisqu’ils viennent juste de rouvrir suite au confinement (et rappelons que depuis octobre 2018, ils travaillent dans des conditions compliquées),
- la logistique des livraisons,
- la possible augmentation des loyers avec la piétonnisation, qui pénalise les petits commerces, au bénéfice des grandes chaînes, comme celles qui se sont développées rue Alsace Lorraine.
Pour un Maire qui se dit soucieux et proche des commerçants toulousains, un tel délaissement de cette profession, déjà mise à mal par la crise sanitaire, est surprenant. En outre, de nombreuses autres professions exercent dans cette rue (professionnels de santé, de justice, etc.), il nous semble qu’il aurait été également intéressant de recueillir leur point de vue, car ils participent tout autant à l’attractivité de ce secteur.
Le samedi 02 octobre, nous avons pris soin de rencontrer à nouveaux les commerçants de la rue de Metz pour partager avec eux les résultats de notre consultation. Un accueil chaleureux qui nous a permis de constater :
- que les commerçants étaient globalement plus informés même s’ils restent inquiets quant aux travaux,
- que tous n’ont pas le même niveau d’information (un commerçant a découvert avec nous le projet ),
- que la mairie a lancé une première analyse des problématiques de livraisons,
- que les prestations compensatoires restent inconnues à ce jour.
La mobilité, la grande absente
Enfin, comme Toulouse Actions Citoyennes, une partie des personnes qui ont répondu à notre questionnaire regrettent l’absence d’une vision globale des déplacements à Toulouse et ne comprennent pas que le projet ne soit pas prolongé jusqu’au pont Neuf. Elles s’inquiètent aussi particulièrement des reports de trafics (générant embouteillages et pollution) sur d’autres axes déjà très encombrés (Grand Rond, Palais de justice, place du Salin, etc.). Beaucoup soutiennent la fermeture aux voitures mais s’interrogent sur les nouveaux itinéraires des bus risquant de compliquer leur quotidien. La plupart regrettent le manque d’informations sur le partage des voies de circulation propres aux piétons, aux cyclistes et aux automobilistes.
Comme ces citoyen.ne.s, nous regrettons que ce projet ne soit qu’une mesure décorative, limitée à une portion restreinte de la rue de Metz, sans prise en compte globale de tous les modes de déplacement : réduire le trafic routier en centre ville est louable et nécessaire, mais cela ne peut se faire sans fournir une alternative construite en prenant la ville et ses usages dans leur ensemble. La solution ne pourra venir de la seule 3ème ligne de métro sur laquelle le Maire a tant misé : elle est repoussée aux calendes grecques, n’est pas financée et aspirera l’essentiel du budget dédié aux transports en commun. Quelle solution en attendant et sur quels fonds?
Place à l‘expérimentation
Devant l’échec de la consultation citoyenne de la Mairie, nous ne pouvons nous résoudre à cette occasion manquée d’impliquer les habitants. Aussi, nous invitons la municipalité à lancer dans les mois qui viennent, une phase d’expérimentation avec une piétonnisation ponctuelle de la rue de Metz, le dimanche, puis les week-end entiers, peut-être même sur la semaine durant les mois de juillet et août. Cela pourrait être l’occasion d’y organiser des animations commerciales et culturelles, de tester des idées et d’observer les nouveaux usages. Cela apporterait un éclairage concret sur les pratiques à analyser sérieusement afin d’aménager au mieux cet axe, pour un bénéfice écologique, esthétique, et de confort de vie pour toutes et tous. Peut-être alors, les Toulousain.e.s éprouveraient de nouveau de l’intérêt pour leur ville, et se sentiraient considéré.e.s en retour ?
2 réponses à “Consultation de la rue de Metz : les résultats”
Bonjour,
Pour votre information, les travaux de voirie de la Mairie ou Métropole ne prévoient jamais de compensation financière auprès des commerçants.
L’idée est que durant toute la phase de chantier, l’accès piétons piéton est toujours maintenu. A partir de ce postulat, la mairie ne dédommage jamais les commerces.
Attention à ne pas confondre avec d’autres travaux, comme ceux du Tram par exemple, où la Maitrise d’ouvrage était TISSEO, qui avait budgétisé une enveloppe dans le but d’aider les commerçants.
La seule compensation qu’offre la municipalité pendant les travaux est l’absence d’imposition des terrasses le temps du chantier, qui ne concerne donc que les cafetiers et restaurateurs.
Je ne comprends donc pas les commerçants qui sont en attente de ces compensations. Je comprends encore moins que le message des élus ou service ne soit pas plus clair.
Bien à vous.
P.S. : beau travail comme d’habitude
L’équipe de la rue de Metz vous remercie pour ces informations précises et précieuses !